Le tourisme de la honte

Il y a environ une semaine, je suis tombée sur cette note. Ça m’a fait réfléchir. Je voulais laisser un commentaire, mais finalement ça me déprimait tellement que je n’ai pas eu le courage d’écrire. Pas tout de suite.

Aujourd’hui je me lance, a défaut de quelques lignes sur son blog qui passeront surement inaperçus, je fais un pavé… en espérant que ce ne sera pas trop pénible.

Les passages en italiques sont extraits d’un article sur le tourisme sexuel en Thaïlande. Article dont j’ai gentiment plagié le titre.

Les proxénètes chinois ou thaï achètent des enfants dans les villages reculés ou dans des pays voisins afin de fournir à la clientèle de la chair fraîche. Les enfants sont séquestrés dans les bordels et doivent accueillir une quinzaine de clients par jour.

« Chair fraîche » c’est exactement ça. Ni plus ni moins.

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Une réalité qui dérange. Qui me dérange en tout cas. Une nouvelle forme de tourisme est apparue chez moi, désormais on ne vient plus en Thaïlande pour ses plages, ses rizières ni ses orchidées…

Les jeunes femmes profitent du train de vie du touriste le temps de son séjour. En remerciement de la « générosité » de leur accompagnateur, elles s’adonnent à des relations sexuelles avec lui. Il n’est pas rare de voir des occidentaux sur des scooters ou déambuler dans les rues de l’île de Phuket accompagnés d’une belle thaïlandaise.

Phuket est une ile purement touristique. Ses plages, ses fonds marins, ses lagons, ses petites montagnes encore un peu sauvages ou on peut y faire des balades a dos d’éléphants… mais surtout, ses bars. Ses centaines de bars plus ou moins glauques, corrects le jour mais odieux la nuit. La ou des mineures somnolent pendant les après midi en attendant le soir, en attendant de se déshabiller.

Patong, Avril 2008, papa et moi on discutait tranquillement en buvant un cocktail avec plus ou moins d’alcool (Je vous laisse deviner qui s’est contenté de son MaiThai de petit joueur) Quand un grand blond, jeune et énergique, s’avance vers nous avec un sourire charmant. Il nous salue et échange quelques mots en anglais sans cesser de me sourire. Tout naturellement, je souris aussi. Après quelques secondes a me regarder de haut en bas, il se tourne vers mon père et lui dit, le plus naturellement du monde :

    - Tain, elle est d’enfer ta copine ! Tu l’as trouvée ou ?

Longue minute de silence pendant laquelle papa essaye de comprendre ce qui vient de se passer. Moi j’avais capté, et ça sentait le roussy… J’ai du trainer mon père a l’extérieur du bar pour éviter qu’il ne fasse un massacre. Et croyez moi, avec mes 1m54 et 55 kilos, contre un papa prêt à cogner, c’est pas facile.

    - Non mais je l’ai pas rêvé quand même ! Tu l’as entendu ?

    - Oui.

    - C’est quoi cette connerie !

    - T’inquiète, c’est très courant maintenant.

Papa ne s’en remet pas, lui qui est pourtant si calme.

Faut dire aussi que quand un inconnu prend ta fille pour une pute ça passe pas très bien.

    - La Thaïlande a bien changée… Il y a 20 ans, je suis tombé sous le charme de « Siam, le pays du sourire » Maintenant on vend des enfants et on trouve ça normal.

Je n’ai pas su quoi répondre. Vu tout ce que je savais déjà à propos du tourisme sexuel je ne pouvais que partager son dégout.

Il y a deux ans, quand je croyais encore pouvoir changer le monde, j’ai mené ma propre enquête, et ce n’est pas les pires choses que j’ai pu entendre. Mais je ne vais pas mentir en disant que je ne m’attendais pas à un truc comme ça.

Même en étant métisse, je suis typée asiat. Je ne ressemble pas du tout à mon père. Il fallait que la remarque arrive un jour. Un touriste qui traine près des bars avec une thaïe, y a pas de lien de parenté possible, même si la petite n’est pas majeure.

Depuis, je ressens une certaine angoisse à chaque fois que papa m’invite au restau…

On compterait entre 200′000 et 600′000 enfants se prostituant en Thaïlande…

J’ai parlé à quelques uns d’entre eux. Des filles majoritairement, car même si les garçons sont aussi « sur le marché »,  j’ai un peu plus de mal a les approcher. Parce que, oui, je voulais les approcher.

C’était à mes risques et périls, mais je me devais de comprendre, de savoir. Et ce que j’ai vu et entendu est vraiment trop long à raconter.

Trop douloureux aussi.

On va juste résumer ça a une chose : j’ai compris que moi seule, je n’arriverai a rien. J’ai perdu l’espoir de changer les choses. A la fin, tout ce que je pouvais faire a mon niveau c’était de distribuer des capotes…

Et croyez moi, distribuer des préservatifs a des gamines qui ont presque la moitie de mon âge, ça fait un peu mal au cœur.

Et quand j’entends la petite me répondre :

    - Merci mais j’en ai pas besoin. Je sais que pour moi c’est déjà trop tard, mais je les donnerai aux autres filles, aux nouvelles.

Ça me fait mal. Ça fait mal de voir que je suis impuissante.

De voir qu’elles commencent à peine à vivre et que leur existence est déjà gâchée.

La plupart des filles avec qui j’ai parlé doivent être mortes maintenant. Si le sida ne les a pas achevées, un client un peu trop sadique s’en chargera. A part ça, les agences de voyage organisent toujours des « Sex Tours » qui rapportent un max de bénéfices.

Sea, sex and sun.

« J’ai résisté pendant 15 jours. On me frappait avec la ceinture, le fouet, on me faisait passer du courant électrique dans le corps et, au bout de deux semaines, j’ai accepté. (…) On m’a vendue à un troisième établissement où on m’a recousue pour que je retrouve une virginité. Après quand j’ai refusé les clients, on m’a battue avec un fouet et des fils de fer, on m’a passée le courant électrique, on m’a attachée, on me donnait à boire de l’urine, on me couvrait de scorpions et de scolopendres…Les gardiens me violaient à volonté (…) Il y a des dizaines de gardes qui abusent de moi à tout instant. Les clients aussi sont brutaux. Il y a trois filles de onze à douze ans qui vivent le même sort que moi »

Témoignage de Srey Peuve, 14 ans

Des histoires comme ça, j’en ai entendu plein. De la bouche de petites sœurs au regard vide. Et j’ai pleuré en même temps qu’elles, pendant que les mots dessinaient des images, des souvenirs atroces.

Les touristes aiment à savoir que les filles sont toujours vierges. L’illusion n’est pas très difficile vu la morphologie des petites asiatiques. Mais il arrive, à un moment ou un autre, que les passages des prédécesseurs deviennent visibles.

Si une fille est trop « élargie » ils la recousent. Si elle est trop « abimée » on l’envoie mandier.

Que ce soit pour la pute ou la mourante, il faut séduire l’acheteur au maximum. Un vrai business…

Et la police dans tout ça ? Elle se fait grassement payer par les proxénètes et elle baise gratuit. L’état ? Je vois pas pourquoi ils devraient se plaindre, le tourisme fait bouger l’économie du pays.

Tout le monde ferme les yeux.

Même ces filles qui se font sauter jusqu’au sang ; la plupart finissent pas se droguer, en attendant la mort. Et moi j’ai de plus en plus de mal a vanter mes origines… y a juste a voir comment on a salit le massage thaïlandais, un art traditionnel qui a été si bien perverti que sa réputation s’est exportée un peu partout dans le monde.

« Krung Thep, la ville des anges » est devenue « Bangkok, ou ça baise dans la crasse »

to bang=baiser, cock=bite, ça ne s’invente pas comme dit si bien Matthias

Tout ça pour en revenir a lui, parce que c’est en te lisant que j’ai voulu écrire ça. Parce que je suis arrivée en retard, le débat étant déjà clos. Mais vu que je suis sur le terrain, et que j’ai plus ou moins étudié le sujet, autant en profiter pour informer du mieux que je peux. Même si j’aurai aimé vous présenter mon pays autrement…

Mais bon, j’en reviens donc a toi, et a une question que tu t’es posée :

Et puis surtout, si on regarde la vérité en face, est-ce que j’aurais résisté des masses si un pote m’avait trainé dans un bordel après une soirée arrosée au milieu des vacances ? Excellente question à laquelle j’espère vraiment ne pas être confronté.

La réponse est non. Tu n’y serais pas allé. Parce que tu aurais déjà gerbé avant même de franchir la porte d’entrée d’un bordel de Thaïlande.

Merci a ceux qui ont lu, ca me tenait vraiment très a cœur.